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Tissu Urbain
18 avril 2011

Chapitre 4

Chapitre 4

  Le train. Toute activité  humaine y était liée.  A cette heure-là, seuls les cartons de marchandises et leurs agents de manutention  se trouvaient dans la cabine. La veille, Monica riait encore avec ses camarades de l’école du Nord-Est et profitait de sa dernière journée avant son échange de domicile. Peut-être ne les reverrait-elle jamais. Cependant, elle aurait préféré faire le voyage un jour où quelqu’un aurait pu lui faire visiter le quartier à son arrivée. Mais finalement, qui avait-il à visiter ? Pourquoi le Sud  serait-il différent de sa région natale ? Après tout, quelle différence, que cela allait-il changer dans son existence ? Tout ? Rien ? Son léger sac sur l’épaule, elle observait le paysage monotone défiler animée par des phases successives d’excitation et d’ennuie face à ce qui l’attendait.  Elle trouvait ridicule d’avoir une journée totalement gâchée par un trajet de deux heures.  Qu’allait-elle faire après avoir rangé les trois exemplaires de sa combinaison de coton dans une cavité d’un mur de sa chambre et visité sa nouvelle maison dont elle connaissait déjà la disposition.

  En arrivant sans surprise dans une copie conforme de l’endroit où elle habitait, elle découvrit avec plaisir que les anciens  affectés à cette résidence  avaient laissé quelques livres. Elle aurait donc de quoi s’occuper avant de se rendre  pour la première fois dans le lycée de la zone le lendemain. Les ouvrages lui étaient pour la plupart bien connu : « Merveilles disparues de l’Ancien Monde », « De l’Ignorance à l’Omniscience », « Le Train », ce dernier titre suscita chez elle un sourire. Elle choisit finalement  un traité  philosophique dont même le titre lui était incompréhensible : « Diversité(s) ». Ce livre lui paraissait à première vue ennuyeux, mais elle savait qu’au moins la journée  passerait en un éclair entre des relectures approfondies et  le dictionnaire.

  Le réveil sonna. Elle se leva pour l’éteindre et partie vers la cuisine avec un naturel déconcertant. En dépit de sa motivation de rencontrer les élèves et les professeurs du lycée du Sud, elle était épuisée. Elle avait veillé tard. En effet,  ce livre s’était montrer plus qu’intéressant si bien qu’elle ne savait pas elle-même quand elle s’était abandonnée, malgré elle, au sommeil. Tout en mangeant, elle observait la salle qui l’entourait. Cette exploration succincte était hypocrite et elle le savait. La maison, elle la connaissait de fond en comble, le seul motif de cet échange était le manque en gérant de stock, tel que son père, dans la région. Elle finit rapidement son repas, enfila sa combinaison et sauta  comme la veille, dans le train. Fatiguée, elle était incapable de prendre réellement conscience de cette foule qui l’entourait. Isolée, elle mûrissait ce qu’elle avait compris de sa lecture.

  La diversité. Cette notion lui était étrangère, la diversité culturelle surtout, car même si tout le monde était différent physiquement, Monica ne pouvait imaginer une société hétérogène. Avant la Grande Guerre, paraît-il, lorsque les hommes étaient répartis sur toute la surface de la Terre, tous n’avait pas les mêmes interdits, histoire, langue. Comment les peuples (les peuples au pluriel !) faisaient-ils alors pour communiquer entre eux ? Bien que cela fusse intéressant, ceci restait très obscur pour elle, mais elle avait un but un présent : comprendre ce monde pluriel, aussi complexe que captivant.

  Lorsqu’elle arriva à destination, Monica n’avait plus vraiment envie de descendre, ce qu’elle désirait à présent plus que tout, était de retourné étudier ce sujet auquel elle s’était attaché. Mais il fallait bien y aller, où était donc passé son impatience de découvrir son nouveau lycée ? Préférait-elle partir à la recherche d’un monde perdu à jamais accessible par les seules réflexions théoriques  plutôt qu’ouvrir les yeux sur un autre si facile atteindre à la condition d’en avoir envie. « Je n’en ai pas envie. » se bornait-elle. Elle pénétra donc dans le bâtiment, les pieds traînant. Personne ne semblait remarquer son visage étranger, et dire qu’elle aurait espéré un accueil chaleureux ! Rapidement la cloche sonna. Elle sortit une note de sa poche sur lequel était inscrit le numéro de la salle où elle devait se rendre : « Classe n°21 ». De l’extérieur, le bâtiment  était semblable à une maison, en plus grand bien sûr. Au contraire l’intérieur était bien différent, mais cela ne l’étonnait pas puisque le deux constructions n’avaient pas la même fonction et par conséquent différait par leur aménagement. Sans surprise l’architecture correspondait à celle de son ancien établissement, mais cela ne l’aidait en rien à trouver la classe n°21 ! Car ni là ni nul part, elle n’avait jamais eu à s’y rendre. En un quart d’heure, elle finit par comprendre le système inhumain de numérotation des salles et arriva timidement en classe, honteuse de son retard.

« Mademoiselle Nigm j’imagine, dit tout naturellement la professeure en n’interrompant son cours.

-Oui madame, Monica était tremblante mais se rassurait d’être si gentiment admise malgré son retard.

-Eh bien si ça ne vous ennuie pas, nous ferons les présentations à la fin de l’heure pour ne pas trop interrompre la leçon, cela ne vous embête pas j’espère ?

-Non, conclut-elle timidement avant  de prendre une place vacante du fond. »

  L’échange avait été si bref que les élèves n’avaient pas réellement eu le temps de comprendre la situation et regardèrent quelques instants la nouvelle venue avant de se retourner sagement devant l’image du projecteur où défilaient les principales dates de la leçon dont Monica pouvait sans grandes difficultés reconnaître le sujet : la Grande Guerre. Sur cette fiche récapitulative, on pouvait en effet voir : les causes, le début des affrontements, les dates d’engloutissement des principales mégalopoles en terminant par la fin du conflit accompagnée de ses célébrissimes circonstances. Ayant fini d’écrire sur son cahier de chanvre usé, le garçon à côté d’elle l’interrogea à voix basse :

« Tu viens d’où ? » Sur le siège d’à côté un autre élève paraissait étonné que son camarade prenne ainsi la parole. Cela signifiait-il que ce n’était pas dans les habitudes du premier ? Beaucoup d’élèves le font pourtant. Que cela pouvait-il cacher ?

« -Nord-Est, répondit-elle machinalement tout en écrivant.

-Et…Pourquoi t’as changé de quartier ?

-Ils manquaient de gérants de stock dans la région.

-Tu as déjà visité les alentours ?» Pour elle cette discussion était l’œuvre d’une curiosité lourde et ses réponses neutres avant pour but de montrer son désintérêt pour ce garçon sans vouloir non plus paraitre antipathique dès sa première journée. Elle fut tout de même heureuse de voir qu’il était studieux en le voyant s’arrêter net lorsque la professeure reprit, arrêtant du même coup cette conversation lassante :

 « Pour illustrer et terminer ce cours, j’avais prévu de vous passer un extrait de l’Appel du 16 mars 56 post-UM, mais puisque j’ai promis à notre nouvelle élève de pouvoir se présenter, je vous le ferais écouter demain. Mademoiselle, continua-t-elle en s’adressant à la jeune fille du fond, approchez-vous. N’ayez pas peur ! »

  Au bout du compte, il aurait été préférable de continuer l’interrogatoire du garçon de tout à l’heure, qu’avait-elle à leur dire de particulier ? Elle aurait bien prit du temps pour y réfléchir mais déjà, elle arrivait à l’estrade. Elle respira calmement en scrutant les élèves devant elle. Tous semblaient l’attendre avec impatience. Cela ne faisait qu’attiser sa tension, mais pire que tout : le garçon du fond, penché en avant, la fixait bien plus fortement que tous les autres.

« Bonjour…commença-t-elle, brisant le silence qu’avait créé l’attente. Je m’appelle Monica Nigm et je viens du Nord-Est. Et… » Elle se sentait très mal et craignait plus que tout de ne plus rien à dire et ainsi créer un blanc, gênant. En baladant son regard sur son camarade du fond, elle eût l’idée de reprendre ses questions. Rassurée, elle déglutit le plus discrètement et reprit : « Si je suis venue ici, c’est parce qu’il avait besoin des compétences en gestion de stock de mon père. Enfin, j’aimerais bien visiter le quartier, alors si l’un d’entre vous… Elle n’eût pas le temps de terminer sa phrase : cette adorable dame dont elle ignorait encore le nom l’avait coupé. Comme elle avait espéré, le fait de terminer par une question la débarrassait de cette situation désagréable : seule devant la classe.

-Oh bien sûr ! Il vous faut un guide pour découvrir notre magnifique région ! Y’a-t-il un volontaire ? »

Monica rougit. Le même, toujours le même avait répondu à l’appel, n’y avait-il personne d’autre dans la salle ? Il avait été seul à lever le bras. La professeure surprise reprit la parole :

« Willy ? Vraiment ? C’est bien la première fois que je vous vois lever la main, mais bon très bien ! Je vous charge de la présenter au corps enseignant, aux  surveillants et à tous ceux qui travaillent dans l’établissement. Et je compte également sur vous pour sacrifier votre dimanche à la visite des environs, elle se retourna vers Monica. J’oubliais, je ne me suis pas présentée, je suis Mme. Mona. Et comme vous avez pu le deviner, j’enseigne la Compréhension du Monde, la cloche sonna. Nous aurons cours ensemble tous les matins, je vous souhaite de vous intégrer le plus facilement et le plus rapidement possible dans notre établissement. »

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